Focus sur la sécurité des données à l’ère du numérique

La transformation numérique s'accélère et avec elle, les défis liés à la protection des données s'intensifient. Face à des cybermenaces toujours plus sophistiquées et à un cadre réglementaire en constante évolution, les organisations se trouvent confrontées à un impératif de sécurisation sans précédent. Les données constituent désormais l'actif le plus précieux des entreprises, mais également leur plus grande vulnérabilité. Selon les dernières statistiques, le coût moyen d'une violation de données atteint 4,45 millions de dollars en 2023, soit une augmentation de 15% par rapport à l'année précédente. Cette réalité économique alarmante s'accompagne d'une prise de conscience collective quant à l'importance de mettre en place des dispositifs robustes pour protéger l'information numérique.

À l'heure où l'informatique quantique menace de rendre obsolètes nos systèmes cryptographiques actuels et où les attaques par rançongiciel se professionnalisent, la cybersécurité n'est plus une option mais une nécessité stratégique. Les architectures traditionnelles basées sur la sécurité périmétrique cèdent progressivement la place à des approches plus adaptées à la complexité du paysage numérique contemporain. Ce changement de paradigme invite à repenser fondamentalement les stratégies de protection des données pour faire face aux défis actuels et futurs.

Cadre réglementaire du RGPD et impacts sur la gouvernance des données

Le Règlement Général sur la Protection des Données (RGPD), entré en vigueur en mai 2018, a profondément transformé l'approche des organisations en matière de gouvernance des données personnelles. Ce cadre juridique impose aux entreprises traitant des données de ressortissants européens de mettre en œuvre des mesures techniques et organisationnelles appropriées pour garantir un niveau de sécurité adapté aux risques. Au-delà de la simple conformité légale, le RGPD représente une opportunité de repenser intégralement la gestion des données au sein de l'entreprise, en plaçant la protection de la vie privée au cœur des processus.

L'impact du RGPD s'étend bien au-delà des frontières européennes, créant un effet d'harmonisation à l'échelle mondiale. De nombreux pays s'en sont inspirés pour élaborer leurs propres réglementations, comme le California Consumer Privacy Act (CCPA) aux États-Unis ou la Lei Geral de Proteção de Dados (LGPD) au Brésil. Cette convergence réglementaire indique clairement que la protection des données personnelles est devenue un enjeu global qui transcende les juridictions nationales.

Analyse des sanctions CNIL contre carrefour et amazon en 2020

Les sanctions prononcées par la Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés (CNIL) contre Carrefour et Amazon en 2020 illustrent parfaitement les attentes des autorités de régulation en matière de conformité au RGPD. Carrefour France et Carrefour Banque ont été condamnés à des amendes respectives de 2,25 millions et 800 000 euros pour plusieurs manquements, notamment concernant l'information des personnes et la durée de conservation des données. De son côté, Amazon Europe Core a écopé d'une amende record de 35 millions d'euros pour avoir déposé des cookies publicitaires sans consentement préalable des utilisateurs.

Ces décisions mettent en lumière l'importance cruciale du principe de responsabilité (accountability) introduit par le RGPD. Les entreprises doivent non seulement respecter les obligations légales, mais également être en mesure de démontrer cette conformité à tout moment. Les sanctions imposées soulignent aussi que même les géants du marché ne sont pas à l'abri des conséquences d'une gouvernance défaillante en matière de données personnelles.

Obligations de documentation et registres de traitement des données

Le RGPD a considérablement renforcé les obligations documentaires des organisations. Le registre des activités de traitement constitue la pierre angulaire de cette démarche, en recensant l'ensemble des opérations impliquant des données personnelles. Ce document doit contenir, pour chaque traitement, des informations détaillées sur sa finalité, les catégories de données concernées, les destinataires, les durées de conservation et les mesures de sécurité mises en œuvre.

Au-delà du registre, d'autres documents sont exigés pour démontrer la conformité : analyses d'impact relatives à la protection des données (AIPD) pour les traitements à risque élevé, procédures de notification en cas de violation de données, politique de protection des données, clauses contractuelles avec les sous-traitants... Cette documentation constitue un véritable système de management de la protection des données, permettant de structurer et de piloter efficacement la conformité au RGPD.

La documentation n'est pas une fin en soi mais un moyen de s'assurer que l'organisation a bien identifié et traité tous les risques relatifs à la protection des données personnelles. Elle représente un investissement initial important qui se révèle rapidement rentable face au coût potentiel d'une non-conformité.

Délégué à la protection des données (DPO) : rôle et responsabilités

Le Délégué à la Protection des Données (DPO) occupe une position stratégique dans la gouvernance des données introduite par le RGPD. Obligatoire dans certains cas (organismes publics, traitements à grande échelle ou concernant des données sensibles), ce rôle peut également être adopté volontairement par toute organisation soucieuse d'une gestion optimale de sa conformité. Le DPO joue un rôle de conseil, d'information et de contrôle, tout en servant d'interface avec l'autorité de protection et les personnes concernées.

Les responsabilités du DPO s'articulent autour de trois axes principaux : informer et conseiller les équipes sur leurs obligations, contrôler le respect du règlement et coopérer avec l'autorité de contrôle. Pour mener à bien sa mission, le DPO doit disposer d'une réelle indépendance au sein de l'organisation et ne peut recevoir aucune instruction concernant l'exercice de ses fonctions. Il doit également bénéficier de ressources suffisantes et d'un accès direct aux plus hautes instances dirigeantes.

Le profil idéal du DPO combine des compétences juridiques, techniques et organisationnelles, faisant de cette fonction un véritable métier-carrefour . Au-delà de sa dimension réglementaire, le DPO contribue à instaurer une culture de la protection des données au sein de l'organisation, transformant une contrainte légale en avantage concurrentiel.

Transferts internationaux de données après l'invalidation du privacy shield

L'arrêt "Schrems II" de la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) en juillet 2020 a invalidé le Privacy Shield, mécanisme qui encadrait jusqu'alors les transferts de données entre l'UE et les États-Unis. Cette décision a créé une onde de choc dans l'écosystème numérique mondial, obligeant les entreprises à revoir leurs pratiques en matière de transferts internationaux de données. La CJUE a estimé que le niveau de protection des données personnelles aux États-Unis n'était pas substantiellement équivalent à celui garanti dans l'Union européenne, notamment en raison des programmes de surveillance américains.

Face à ce vide juridique, les organisations doivent désormais s'appuyer sur d'autres mécanismes pour légitimer leurs transferts : clauses contractuelles types (CCT), règles d'entreprise contraignantes (BCR), ou exceptions prévues à l'article 49 du RGPD. Dans tous les cas, une analyse approfondie du contexte juridique du pays destinataire est nécessaire, accompagnée le cas échéant de "mesures supplémentaires" pour garantir un niveau de protection adéquat des données transférées.

Cette situation illustre la tension croissante entre mondialisation des flux de données et fragmentation des régimes juridiques. Elle impose aux organisations une vigilance accrue et une approche par les risques dans la gestion de leurs transferts internationaux, avec des implications majeures pour leurs architectures techniques et leurs relations contractuelles.

Menaces cybernétiques émergentes et vecteurs d'attaque en 2023

Le paysage des menaces cybernétiques connaît une évolution rapide et inquiétante en 2023. Les attaques se caractérisent par une sophistication croissante, combinant souvent plusieurs techniques et exploitant les vulnérabilités tant technologiques qu'humaines. Selon le dernier rapport de CrowdStrike, le délai moyen de propagation d'une attaque est passé sous la barre des 2 heures, témoignant de l'agilité des cybercriminels. Face à cette accélération, les organisations doivent adopter une posture de défense proactive et agile, capable de s'adapter rapidement à l'évolution des menaces.

Les motivations des attaquants se diversifient également, mêlant intérêts financiers, espionnage industriel et géopolitique, hacktivisme et parfois simple démonstration de force. Cette multiplicité d'acteurs et d'intentions complexifie considérablement la tâche des défenseurs, qui doivent désormais faire face à un spectre de menaces extrêmement large, allant du cybercriminel opportuniste aux groupes APT (Advanced Persistent Threats) soutenus par des États.

Ransomware-as-a-service : évolution du modèle REvil et DarkSide

Le modèle Ransomware-as-a-Service (RaaS) représente l'industrialisation du crime numérique, transformant une activité auparavant artisanale en véritable business model structuré. Des groupes comme REvil et DarkSide ont perfectionné cette approche en proposant leur infrastructure de rançongiciel à des "affiliés" qui se chargent de compromettre les systèmes cibles. Les profits sont ensuite partagés entre les développeurs du maliciel et ces opérateurs de terrain, créant un écosystème criminel particulièrement efficace.

L'évolution récente de ce modèle se caractérise par la technique de l'extorsion double ou triple. Au-delà du simple chiffrement des données, les attaquants exfiltrent préalablement les informations sensibles et menacent de les publier en cas de non-paiement. Certains groupes ajoutent même une troisième couche en lançant des attaques DDoS contre les infrastructures de leurs victimes pour accroître la pression. Cette stratégie multiplie les leviers de négociation et rend inefficaces les politiques de sauvegarde traditionnelles.

Le démantèlement spectaculaire de REvil en 2021 et les déboires de DarkSide après l'attaque de Colonial Pipeline n'ont pas mis fin au phénomène. De nouveaux groupes comme BlackCat (ALPHV) ou LockBit 3.0 ont rapidement pris la relève, démontrant la résilience de cet écosystème criminel et sa capacité à se réinventer face aux efforts des autorités.

Attaques sur la chaîne d'approvisionnement après SolarWinds et kaseya

Les attaques visant la chaîne d'approvisionnement ( supply chain ) constituent l'une des tendances les plus préoccupantes de ces dernières années. L'incident SolarWinds, révélé fin 2020, a marqué un tournant en démontrant comment la compromission d'un fournisseur de confiance pouvait permettre d'atteindre des milliers d'organisations en aval. Les attaquants ont infiltré le processus de développement de l'éditeur pour injecter une porte dérobée dans les mises à jour légitimes de son logiciel Orion, compromettant ainsi environ 18 000 clients, dont plusieurs agences gouvernementales américaines.

L'attaque contre Kaseya en juillet 2021 a illustré une variante différente de cette menace. Le groupe REvil a exploité une vulnérabilité dans le logiciel VSA, utilisé par de nombreux fournisseurs de services managés (MSP), pour déployer un ransomware chez leurs clients. Cette cascade d'infections a touché plus d'un millier d'entreprises à travers le monde, démontrant l'effet démultiplicateur de ces attaques ciblant des prestataires techniques.

Ces incidents soulignent la nécessité d'étendre les périmètres de sécurité au-delà des frontières traditionnelles de l'organisation. Les entreprises doivent désormais intégrer le risque fournisseur dans leur stratégie globale de cybersécurité, en renforçant les processus de due diligence, les clauses contractuelles et les contrôles techniques sur les accès tiers.

Vulnérabilités zero-day exploitées par les APT (advanced persistent threats)

Les vulnérabilités zero-day représentent l'arme ultime dans l'arsenal des attaquants avancés. Ces failles de sécurité inconnues du fabricant et dépourvues de correctif sont particulièrement recherchées par les groupes APT, qui disposent des ressources nécessaires pour les découvrir ou les acquérir sur des marchés spécialisés. Le prix de ces exploits peut atteindre plusieurs millions de dollars pour les plus sophistiqués, reflétant leur valeur stratégique dans les opérations d'espionnage ou de sabotage.

L'année 2023 a connu une recrudescence d'attaques exploitant des vulnérabilités zero-day dans des composants critiques de l'infrastructure numérique mondiale. Des failles dans les systèmes d'exploitation, les navigateurs, les solutions VPN ou les serveurs de messagerie ont été activement exploitées avant même que les correctifs ne soient disponibles. Cette situation place les défenseurs dans une position particulièrement délicate, confrontés à des menaces qu'ils ne peuvent anticiper par des mises à jour de sécurité.

Face à ces menaces avancées, les organisations doivent adopter une approche défensive en profondeur, combinant plusieurs couches de protection indépendantes. La détection des comportements anormaux devient cruciale lorsque la prévention traditionnelle est contournée par des exploits inconnus. Des technologies comme l'analyse comportementale, la surveillance des flux réseau et l'isolation des applications sensibles peuvent contribuer à limiter l'impact d'une compromission initiale.

Techniques d'ingénierie sociale et phishing ciblé (spear phishing)

L'ingénierie sociale reste le vecteur d'attaque privilégié des cybercriminels, exploitant non pas les vulnérabilités techniques mais les failles humaines. Le phishing traditionnel cède progressivement la place à des approches plus ciblées et sophistiquées comme le spear phishing , où l

es attaquants affinent leurs stratégies pour cibler spécifiquement des individus ou des organisations, s'appuyant sur une reconnaissance minutieuse de leurs cibles. Ces campagnes hautement personnalisées exploitent des informations collectées sur les réseaux sociaux, les sites professionnels ou via des fuites de données antérieures pour créer des messages parfaitement crédibles.

Le Business Email Compromise (BEC) représente l'évolution la plus lucrative de cette tendance. En usurpant l'identité d'un dirigeant ou d'un partenaire commercial légitime, les attaquants parviennent à déclencher des virements frauduleux considérables. Selon le FBI, les pertes liées aux fraudes BEC ont dépassé 43 milliards de dollars entre 2016 et 2021, avec des attaques de plus en plus sophistiquées intégrant désormais des deepfakes audio et vidéo pour manipuler les victimes lors d'appels en visioconférence.

La défense contre ces attaques repose principalement sur la sensibilisation et la formation des collaborateurs. Les simulations de phishing permettent d'évaluer et de renforcer la vigilance des équipes, tandis que des procédures strictes de vérification pour les demandes sensibles (changements de coordonnées bancaires, virements exceptionnels) constituent un rempart efficace contre les tentatives de manipulation sociale.

Compromission des infrastructures cloud et des conteneurs docker

La migration massive vers le cloud et l'adoption des architectures de microservices ont ouvert de nouveaux horizons pour les attaquants. Les environnements cloud mal configurés représentent aujourd'hui l'une des principales sources de compromission, avec des erreurs récurrentes comme des buckets S3 accessibles publiquement, des clés d'API exposées ou des règles de pare-feu trop permissives. La complexité inhérente aux infrastructures cloud hybrides multiplie les risques de mauvaise configuration, créant des angles morts dans la posture de sécurité des organisations.

Les conteneurs Docker et les orchestrateurs comme Kubernetes sont particulièrement ciblés en raison de leur adoption rapide et parfois précipitée. Les images de conteneurs non officielles ou obsolètes peuvent contenir des portes dérobées, tandis que les vulnérabilités dans les composants d'orchestration permettent des mouvements latéraux au sein de l'infrastructure. Les attaquants exploitent également le concept d'infrastructure as code pour injecter des configurations malveillantes directement dans les pipelines de déploiement, compromettant l'environnement dès sa création.

Pour contrer ces menaces, les organisations doivent adopter une approche de sécurité native cloud (CNSP - Cloud Native Security Platform), intégrant des outils d'analyse de configuration, de surveillance des conteneurs et de gestion des vulnérabilités spécifiquement conçus pour ces environnements dynamiques. La sécurisation des secrets (mots de passe, clés API, certificats) via des solutions spécialisées comme HashiCorp Vault ou AWS Secrets Manager devient également incontournable dans ce contexte.

Technologies de protection cryptographique et chiffrement

Face à la sophistication croissante des menaces, les technologies cryptographiques constituent un pilier fondamental de toute stratégie de protection des données. Le chiffrement transforme l'information en un format illisible sans la clé appropriée, garantissant ainsi que même en cas d'accès non autorisé, les données demeurent inexploitables. Au-delà du simple chiffrement des données au repos et en transit, de nouvelles approches émergent pour répondre aux défis contemporains de la sécurité numérique.

La cryptographie moderne évolue rapidement pour s'adapter aux nouveaux paradigmes de traitement des données et aux menaces émergentes. Des concepts comme la confidentialité différentielle, les preuves à divulgation nulle de connaissance (zero-knowledge proofs) ou le calcul multipartite sécurisé ouvrent de nouvelles perspectives pour concilier utilisation des données et protection de la vie privée, notamment dans des domaines comme l'intelligence artificielle ou la blockchain.

Implémentation du chiffrement homomorphe par IBM et microsoft

Le chiffrement homomorphe représente une avancée majeure dans le domaine de la cryptographie appliquée. Cette technologie permet d'effectuer des calculs directement sur des données chiffrées, sans nécessiter leur déchiffrement préalable. Le résultat obtenu, une fois déchiffré, est identique à celui qui aurait été produit en opérant sur les données en clair. Cette propriété révolutionnaire ouvre la voie à de nombreuses applications dans le cloud computing, l'intelligence artificielle ou l'analyse de données sensibles.

IBM a franchi une étape décisive en 2020 avec le lancement de sa bibliothèque open-source HElib, puis avec l'intégration du chiffrement homomorphe dans sa suite de services cloud. Cette technologie permet désormais aux entreprises de confier des traitements sur leurs données confidentielles à des prestataires cloud, sans jamais exposer leur contenu en clair. De son côté, Microsoft a développé SEAL (Simple Encrypted Arithmetic Library), une solution homomorphe également disponible en open-source, qui simplifie l'adoption de cette technologie complexe.

Le chiffrement homomorphe résout l'un des dilemmes fondamentaux de l'informatique en nuage : comment tirer parti de la puissance de calcul des prestataires externes tout en préservant la confidentialité absolue des données. C'est comme pouvoir confier une boîte verrouillée à quelqu'un qui pourrait réorganiser son contenu sans jamais l'ouvrir ni voir ce qu'elle contient.

Malgré ces avancées prometteuses, le chiffrement homomorphe reste confronté à d'importants défis de performance. Les opérations sur données chiffrées requièrent une puissance de calcul considérablement supérieure à leurs équivalents sur données en clair, limitant encore les cas d'usage pratiques. Néanmoins, les progrès constants dans ce domaine laissent entrevoir une adoption plus large dans les années à venir, notamment pour des applications critiques où la confidentialité prime sur les performances.

Cryptographie post-quantique face à l'avancée de l'informatique quantique

L'avènement de l'informatique quantique représente une menace existentielle pour la plupart des systèmes cryptographiques actuels. Les algorithmes quantiques, notamment l'algorithme de Shor, sont théoriquement capables de briser les chiffrements à clé publique comme RSA ou ECC (Elliptic Curve Cryptography) qui sécurisent aujourd'hui nos communications et transactions numériques. Bien que les ordinateurs quantiques suffisamment puissants pour y parvenir n'existent pas encore, leur développement progresse rapidement, créant une course contre la montre pour adapter notre infrastructure cryptographique.

Face à cette menace, le NIST (National Institute of Standards and Technology) a lancé en 2016 un processus de standardisation d'algorithmes post-quantiques, conçus pour résister aux attaques d'ordinateurs quantiques. En juillet 2022, l'institut a annoncé la sélection de quatre candidats finalistes : CRYSTALS-Kyber pour l'établissement de clés, et CRYSTALS-Dilithium, FALCON et SPHINCS+ pour les signatures numériques. Ces algorithmes reposent sur des problèmes mathématiques différents de ceux utilisés actuellement, comme les réseaux euclidiens, les codes correcteurs d'erreurs ou les fonctions de hachage.

La transition vers ces nouveaux standards représente un défi majeur pour l'ensemble de l'écosystème numérique. Les organisations doivent dès maintenant adopter une approche de "cryptographic agility", leur permettant de migrer rapidement vers de nouveaux algorithmes lorsque ceux-ci seront standardisés. Cette transition devra être minutieusement planifiée, en tenant compte de la compatibilité avec les systèmes existants et de la nécessité de maintenir l'interopérabilité pendant la période de migration.

Protocoles TLS 1.3 et DNSSEC pour les communications sécurisées

La sécurisation des communications sur Internet connaît une évolution significative avec l'adoption du protocole TLS 1.3 (Transport Layer Security). Finalisé en 2018 après plusieurs années de développement, TLS 1.3 apporte des améliorations majeures par rapport à son prédécesseur : réduction du temps d'établissement de connexion (handshake) à un seul aller-retour, suppression des algorithmes cryptographiques obsolètes ou vulnérables, et chiffrement intégral des échanges pendant la phase de négociation, limitant les possibilités d'analyse par des tiers.

L'implémentation de TLS 1.3 s'accompagne de techniques complémentaires comme le Certificate Transparency, qui renforce la confiance dans le système de certification en rendant publique toute émission de certificat. Cette transparence permet de détecter rapidement les certificats frauduleux ou émis par erreur. Le protocole OCSP Stapling améliore quant à lui la vérification de validité des certificats tout en préservant la confidentialité des utilisateurs, en intégrant directement la preuve de validité dans la connexion TLS.

Parallèlement, le déploiement de DNSSEC (Domain Name System Security Extensions) progresse pour sécuriser la résolution de noms de domaine, maillon traditionnellement vulnérable de la chaîne de confiance sur Internet. En signant cryptographiquement les enregistrements DNS, DNSSEC garantit l'authenticité et l'intégrité des informations de résolution de noms, prévenant ainsi les attaques par empoisonnement de cache DNS qui permettent de rediriger les utilisateurs vers des sites frauduleux. Couplé avec DoH (DNS over HTTPS) ou DoT (DNS over TLS), DNSSEC contribue à une sécurisation complète de la navigation web.

Systèmes de gestion des clés (KMS) et infrastructures à clés publiques (PKI)

La robustesse d'un système cryptographique repose autant sur la qualité des algorithmes que sur la gestion rigoureuse des clés. Les Systèmes de Gestion des Clés (KMS - Key Management Systems) constituent l'épine dorsale de toute infrastructure de sécurité moderne, en prenant en charge l'ensemble du cycle de vie des clés : génération, stockage, distribution, rotation et révocation. Ces systèmes s'appuient généralement sur des modules matériels de sécurité (HSM - Hardware Security Modules) certifiés selon des normes comme FIPS 140-2/3, garantissant un niveau élevé de protection contre les tentatives d'extraction physique.

Les infrastructures à clés publiques (PKI - Public Key Infrastructure) complètent cette approche en fournissant un cadre de confiance pour l'émission et la validation des certificats numériques. Dans un contexte d'explosion des identités numériques et des objets connectés, les PKI évoluent vers des architectures plus flexibles et résilientes. L'adoption croissante de standards comme EST (Enrollment over Secure Transport) ou ACME (Automated Certificate Management Environment) facilite l'automatisation du provisionnement des certificats, réduisant ainsi les risques liés à la gestion manuelle.

Les organisations doivent désormais concevoir leur stratégie de gestion des clés dans une perspective globale, intégrant les environnements on-premise, cloud et multi-cloud. Des solutions comme AWS KMS, Azure Key Vault ou HashiCorp Vault proposent des services managés facilitant cette gestion unifiée, tout en répondant aux exigences de conformité les plus strictes. La tendance est également à l'intégration de ces systèmes dans les pipelines DevOps pour automatiser la sécurisation des déploiements et des communications entre microservices.

Architectures zero trust et authentification multifactorielle

L'architecture Zero Trust représente un changement de paradigme fondamental en matière de sécurité informatique. Contrairement aux approches traditionnelles basées sur un périmètre de défense, le modèle Zero Trust part du principe qu'aucune entité, interne ou externe, ne doit être considérée comme intrinsèquement fiable. Cette philosophie se résume par la maxime "never trust, always verify" (ne jamais faire confiance, toujours vérifier), imposant une vérification systématique de l'identité et des droits d'accès pour chaque requête, indépendamment de sa provenance.

Au cœur de cette architecture se trouve l'authentification multifactorielle (MFA), qui constitue un rempart essentiel contre les compromissions d'identités. En exigeant au minimum deux facteurs distincts parmi ce que l'utilisateur connaît (mot de passe), possède (smartphone, token) ou est (biométrie), la MFA réduit considérablement le risque d'usurpation d'identité. Microsoft rapporte que cette mesure bloque 99,9% des tentatives d'accès frauduleuses, même lorsque les identifiants ont été compromis.

L'implémentation d'une architecture Zero Trust s'articule autour de plusieurs principes fondamentaux : la vérification explicite de toutes les requêtes, l'application du principe du moindre privilège, et la supposition permanente de compromission. Les technologies sous-jacentes comprennent le contrôle d'accès basé sur les rôles (RBAC), le contrôle d'accès basé sur les attributs (ABAC), et de plus en plus, le contrôle d'accès adaptatif qui ajuste dynamiquement les droits en fonction du contexte de connexion et du comportement de l'utilisateur.

La mise en œuvre progressive d'une stratégie Zero Trust débute généralement par une cartographie précise des flux de données sensibles, suivie du déploiement de solutions d'authentification forte et de segmentation micro-périmétrique. Les organisations les plus avancées intègrent également des technologies d'analyse comportementale (UEBA - User and Entity Behavior Analytics) pour détecter les anomalies susceptibles d'indiquer une compromission, même lorsque les identifiants utilisés sont légitimes.

Le modèle Zero Trust n'est pas un produit ou une technologie spécifique, mais une stratégie globale qui transforme l'approche de sécurité de l'organisation. Sa mise en œuvre est un voyage plutôt qu'une destination, nécessitant une évolution continue des pratiques et des technologies pour s'adapter à un paysage de menaces en perpétuelle évolution.

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